"Totems", c'est une exposition des mystérieuses et fascinantes figures en toile de jute de l'artiste vaudoise Pierrette Gonseth-Favre. Longilignes, façonnées dans une verticalité tendue vers les voûtes ancestrales de l'Abbaye de Bonmont, elles sont un appel à méditer et à s'élever. Inscrites dans le cadre exceptionnel de l’Abbaye, une quarantaine d'œuvres de la plasticienne occupent les allées latérales, le transept et le chœur. Elles retracent plus de cinquante ans de relation de Pierrette Gonseth-Favre avec la toile de jute. Les pièces récentes érigées en hauteur soulignent l’élévation propre à ce lieu.
«J’ai une véritable fascination pour ce matériau, j’ai le sentiment qu’il véhicule la vie", affirme Pierrette Gonseth-Favre en évoquant la toile de jute qu'elle manipule et sublime depuis toujours ou presque.
Son travail offre une résonance particulière avec l’Histoire du site de Bonmont. Stocké dans des toiles de jute, le blé était l’or des cisterciens qui y consacraient tous leurs efforts, dans la volonté de s'opposer aux clunisiens attachés à l’or des objets liturgiques.
Les frères de Bonmont eux couvrirent leurs terres de blé et constellèrent l'espace entre Aubonne et Versoix de granges monumentales où stocker leurs récoltes. Ce blé était la base d’un pain blanc qui figura d'abord le corps du Christ, puis ce pain blanc fut surtout la nourriture des riches genevois et celui qui était offert à ceux qui fréquentaient les hospices de Bonmont ; ce sont peut-être ces mêmes pèlerins qui reviennent à Bonmont par le biais des œuvres tutélaires de Pierrette Gonseth-Favre. Répartis dans les travées de la nef, les totems de jute rappellent également la déambulation des moines et la liturgie grégorienne.
Pour l'artiste, par son silence, sa profondeur, son mystère, et ses présences invisibles s’adressant à nos consciences attentives, l’Abbaye de Bonmont est le lieu intemporel idéal qui permet de mettre en valeur tout ce que la toile de jute lui a offert de rencontres et de partages, lors de ses expositions.
Pendant plus de cinquante ans, Pierrette Gonseth-Favre a cherché à s’entendre avec le jute, à éprouver sa résistance, à se confronter avec la mémoire de cette toile rugueuse, raccommodée, indocile. En l’assemblant, elle a découvert sa vitalité, sa noblesse pour finalement lui donner, en quelques plis, une dimension humaine, sacrée.


                      Olivier Fargeon
           Président du Conseil de fondation

                de l’Abbaye de Bonmont